Entre fermer et partager le code, est-ce « fair » ?

Entre fermer et partager le code, est-ce « fair » ?

Entre fermer et partager le code, est-ce « fair » ?

Dans le domaine du logiciel libre, la licence d'ouverture du code peut rapidement faire débat. Rejetées par ce milieu qui considère que leurs logiciels ne sont pas assez libres pour être qualifiés d' « open », des startups comme Sentry poussent un nouveau terme : « fair source ».

Est-ce qu'un logiciel peut être équitable ? Et qu'est ce que ça veut dire ? Après avoir vu fleurir dans nos magasins des produits « fair trade », va-t-on voir nos logiciels s'afficher « fair source » ? Les histoires de licences dans le logiciel sont toujours délicates.

C'est en tout cas cette expression, « fair source », que certaines startups comme Sentry ou Keygen utilisent pour qualifier leur logiciel. Dans un billet de blog, Sentry, startup qui était valorisée à plus de 3 milliards de dollars en 2022, donne sa définition du terme :

« Un logiciel "Fair source" est un logiciel qui :

  • est lisible publiquement ;
  • permet l'utilisation, la modification et la redistribution avec un minimum de restrictions afin de protéger le modèle commercial du producteur ;
  • et fait l'objet d'une publication Open Source différée (delayed Open Source publication, DOSP) »

L'entreprise cite plusieurs licences qui seraient compatibles avec cette définition. La sienne en première, la Functional Source License (FSL), évidemment, mais aussi la Core License de Keygen et la Business Source License (BSL) de MariaDB.

La FSL, par exemple, convertit automatiquement au bout de deux ans le code publié vers une licence libre Apache 2.0 ou MIT et revendique d'éviter le phénomène du « passager clandestin » (le renvoi vers la page Wikipédia est fait par Sentry sur le site de la licence).

Réponse à un bad buzz de l'année dernière

Sentry est une entreprise qui propose des logiciels de monitoring de code et de diagnostic de bugs. Son logiciel phare, comme l'explique TechCrunch, est notamment utilisé par des entreprises comme Microsoft et Disney. En 2019, elle en a changé sa licence en passant de la 3-Clause BSD à BSL créée par MariaDB.

Sentry a aussi racheté Codecov fin 2022 et, en aout 2023, a utilisé le terme d' « open source » pour qualifier son code qui était sous Business Source License aussi, récoltant les critiques de la communauté car cette licence n'est pas approuvée par l'Open Source Initiative (OSI). Adam Jacob, créateur du logiciel libre Chef, a suggéré que les entreprises qui voulaient utiliser des licences comme BSL s'associent pour créer une « confédération informelle » d'utilisateurs de licences avec des clauses évitant la concurrence. C'est en le prenant au mot que Sentry propose le terme de « fair source » et sa définition.

Sentry justifie son choix de ne pas utiliser une licence libre. « L'open source n'est pas un modèle commercial - l'open source est un modèle de distribution, c'est avant tout un modèle de développement de logiciels », affirme le responsable « open source » de l'entreprise, Chad Whitacre, à TechCrunch. « De fait, elle limite considérablement les modèles économiques possibles, à cause des conditions de licence », ajoute-t-il.

Le danger de la confusion ?

Mais introduire un nouveau terme peut parfois ajouter de la confusion. Caricaturalement, lorsqu'on demande à Deepl la traduction de « fair source », le service traduit le terme par « logiciel libre ».

Amanda Brock, CEO d'OpenUK, répondait en mai dernier à Adam Jacob qu'il n'y avait pas besoin de compliquer les choses et expliquait que ce que qualifie Sentry de « fair code », « c'est n'importe quelle licence non approuvée par l'OSI qui partage la source ». On peut aussi se poser la question de l'utilisation du terme « fair ». Un code qui n'est pas dans une licence « fair code » serait-il injuste ?

Interrogé par Next, le lobby des entreprises du logiciel libre CNLL, nous fait par de son attachement « aux définitions précises de l'OSI (pour "open source") et de la Free Software Foundation (pour le "logiciel libres"), tout en notant qu'elles varient justement dans leur degré de précision et la latitude qu'elles laissent à l'interprétation » dont il considère les définitions comme équivalentes « en pratique ».

Pour son co-président, Stéphane Fermigier, « des acteurs qui appartiennent à l'écosystème open source / du logiciel libre peuvent effectivement proposer des définitions différentes qui répondent à leur besoin de créer des licences spécifiques à leur business ou alors leurs choix éthiques. Pour moi il n'y a pas de mal à cela tant que cela ne crée aucun risque de confusion. De ce point de vue, "Fair Source" semble respecter ce principe qui me semble fondamental, à condition que personne n'aille impliquer qu'il s'agit de la nouvelle définition de l'open source, par exemple. Il est possible que de nombreux éditeurs open source adoptent cette définition et l'une des nouvelles licences qui la respectent, ce qui aura forcément un impact négatif sur l'écosystème open source "strict" et probablement aussi pourrait engendrer une érosion de la marque "open source" (ou "logiciel libre") ».

Commentaires (10)


Donc Sentry mélange tout et soulève beaucoup de poussière pour essayer de grappiller, dans la confusion, des points de karma auprès des gens qui ne savent pas ce qu'en l'OpenSource et le Libre.

Ils ne sont pas les premiers et certainement pas les derniers à jouer à ce jeu.



Il faut espérer que leurs SDKs resteront bien open source car j'ai du mal à imaginer leurs clients se mettre à embarquer des boîtes noires dans leurs applications... 🤔
Modifié le 24/09/2024 à 09h22

Historique des modifications :

Posté le 24/09/2024 à 09h21


Fait espérer que leurs SDKs resteront bien open source car j'ai du mal à imaginer leurs clients se mettre à embarquer des boîtes noires dans leurs applications... 🤔

"- Vous allez pas m'installer du logiciel libre, hein ? Ça vaut rien.
- Non non... C'est du Fair Source...
- Ah bah j'aime mieux çà. Pas confiance."
On peut aussi se poser la question de l'utilisation du terme « fair ». Un code qui n'est pas dans une licence « fair code » serait-il injuste ?


On peut se poser exactement la même question avec la notion d'open-source ou de libre.

En fait, pendant longtemps, les licences de logiciels se classaient dans 2 catégories :
- licences libres ou open-source : qui respecte les 4 libertés fondamentales
- licences propriétaires ou privatrices : licences qui ne sont pas libres / open-source.

On constate alors qu'une seule catégorie avait réellement une définition, et l'autre étant définie "par opposition".

Il suffisait alors d'avoir une licence avec restriction pour qu'elle soit considérée comme privatrice (comme la SSPL).

Depuis quelques années, nous avons maintenant aussi le source available, qui permet de désigner un code ouvert au sens propre du terme (=source disponible).

La notion de fair source rajoute un pont supplémentaire entre le source available et le libre, et protège également les utilisateurs en cas de défaillance de l'entreprise, puisque le code basculera automatiquement sur une licence libre au bout d'un certains laps de temps, sécurisant la modification et la distribution du code après une liquidation d'une entreprise ou l'arrêt d'un produit par exemple (cf. les exemples plus ou moins récent au sujet de la domotique !)

Maintenant, l'avis de la FSF ou du CNLL, ne m'étonne guère, puisque pour eux, le saint graal est le libre / open-source et toute licence non libre est de facto propriétaire.
Non, la réaction du monde OpenSource ou Libre est normale, Sentry essaye d'enfumer le monde et de se faire passer pour ce qu'il n'est pas, ce n'est pas une question d'extrémisme, c'est une question de protéger son identité et de ne pas accepter qu'un acteur ne puisse se prévaloir de valeurs ou de qualités qu'il ne possède pas dans les faits. Soi ça adhère aux quatre libertés et c'est du libre, soit ça n'adhère pas et ce n'est pas du libre; soit correspond aux 10 points de la définition de l'opensource et c'est de l'opensource, soit cela n'en est pas.

Il est normal que ces groupes protègent leurs appellations.
Ben non, Sentry n'essaie pas de se faire passer pour du libre ou de l'open-source justement. Sentry utilise une terminologie qui n'utilise ni free, ni open source.

Le monde open-source a une vision très manichéenne où soit c'est libre, soit c'est privateur.

Sauf que les éditeurs de logiciels et développeur sont libres de choisir la licence qu'ils souhaitent. Les licences libres présentent certains avantages indéniables, mais sont très mauvaises pour la viabilité commerciale d'un produit.

Les licences de types source available et fair source permettent d'ajouter des nuances de type propriétaire entre le libre et le privateur, là où le libre souhaite dire que propriétaire = privateur.
Je pense que ragoutoutou faisait référence à ce genre de phénomène :
Sentry a aussi racheté Codecov fin 2022 et, en aout 2023, a utilisé le terme d' « open source » pour qualifier son code qui était sous Business Source License aussi, récoltant les critiques de la communauté car cette licence n'est pas approuvée par l'Open Source Initiative (OSI).


Donc Sentry a bien essayé de faire passer du code pour de l'open source alors que ça n'en était pas. Ici le terme fair source est donc effectivement plus approprié, plus clair et sûrement plus intéressant que du code en source fermée.
Sans vouloir refaire ce débat éternel, ce n'est pas aussi tranché que tu ne le présentes. Les 4 libertés dont tu parles ne sont pas une loi universelle mais une définition proposée par la FSF. Comment qualifier un logiciel n'autorisant que les 3 premières libertés FSF ?
Je me rappelle également bien des débats définition FSF vs définition BSD.
Modifié le 24/09/2024 à 10h24

Historique des modifications :

Posté le 24/09/2024 à 10h24


Sans vouloir refaire ce débat éternel, ce n'est pas aussi clair que tu le présentes. Les 4 libertés dont tu parles ne sont pas une loi universelle mais une définition proposée par la FSF. Comment qualifier un logiciel n'autorisant que les 3 premières libertés FSF ?
Je me rappelle également bien des débats définition FSF vs définition BSD.

Donc, si j'ai bien compris, la GPL v3, avec ses restrictions, est une licence fair source. :transpi:
une belle forme de bullshitance :D
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